Arganiers multicolores

La nuit est tombée depuis plusieurs heures. Nous venons d’atterrir à Marrakech et filons dans le vieux taxi nous menant à notre hôtel. La ville grouillante n'est qu'une étape que nous passons rapidement pour rejoindre Agadir le lendemain dans un bus local fonçant à toute allure sur une route dangereuse.
Agadir. Cette ville balnéaire constitue le point de départ de notre voyage en vélo. Nous ne nous y attarderons pas. Jacques – mon oncle – et moi nous dirigeons au Sud, vers le soleil et les roches colorées de Tafraoute, entre vergers d'arganiers et ksars surmontant de vastes horizons désertiques. La route suit le tracé de gorges pittoresques. Nous bifurquons à l'Ouest, à travers cols et montagnes sur de petites routes au trafic inexistant. Les lacets jonglent entre ciel bleu et arganiers en fleurs. Les quelques villages paraissent sans vie. A 50 kilomètres de là, Agadir paraît déjà si loin.
Une école se tient, seule, au sommet d'un col. Elle est l'ultime rempart à l'exode rural, et la garante d'un semblant d'éducation dans une région coupée de tout. Les écoliers marchent parfois près d'une heure de villages en villages afin d'y accéder. Avec elle, l'espoir d'un avenir meilleur.
Tafraoute approche. Cette petite ville se niche au coeur de montagnes rougeoyantes et de roches arrondies et colorées.

Pour atteindre les gorges d'Aït Mansour, la route s'élève à plus de 1600 mètres d'altitude, par delà un long col désertique. La petite route se faufile alors dans un étroit canyon coloré dans lequel abondent palmiers et oasis. La route se transforme en piste, souvent très caillouteuse, que nous ne quitterons plus pendant près de deux jours. Entre les strates des montagnes colorées de l'Anti-Atlas, nous nous dirigeons vers la mine d'or d'Akka sur une piste désolée au coeur de nulle part. La vallée s'élargit et laisse place à une vaste plaine désertique. Dans les quelques hameaux, des enfants s'amusent avec les rares étrangers parcourant les lieux. Le désert s'étend sur tous les horizons.
Retour sur la route. Grâce au vent favorable, nous atteignons Taroudannt en deux jours, ville fortifiée dans laquelle je réparerai mon boîtier de pédalier défaillant. Nous arrivons déjà au pied du massif du Haut Atlas.
Après une courte escale en bus, nous nous dirigeons dans une vallée irriguée et surmontée de montagnes arides au sommet desquelles un fin tissu de neige parvient encore à résister. La piste est belle et les villages traditionnels se succèdent.
Le lac d'Ifni se tient au bout de la piste, au terme d'une montée en lacets, à plus de 2300 mètres d'altitude. Un manteau de nuages enveloppe les montagnes. La pluie commence à tomber. Elle persistera plusieurs jour durant, jusqu'à Agouim. La piste, qui devait à l'origine être bonne, laisse place à de la boue, dans laquelle nos vélos s'enfoncent et patinent. La pluie glaciale pétrifie nos muscles. Les sommets de l'Atlas, pourtant si proches, paraissent invisibles. La piste se transforme enfin en une petite route de montagne.
Le Tizi N' Tichka est le dernier obstacle avant une longue descente pour Marrakech. Le col bloque également les nuages et la pluie.
Retour à Marrakech, ce gigantesque capharnaüm où seule règle de circulation en application est de circuler là où il y a de la place. Nous rejoignons déjà l'aéroport, les cartons attachés à nos montures. Sous le regard incrédule des policiers, nous montons la tente sur les pelouses de l'aéroport en attendant notre avion, dans le milieu de la nuit.