Chachapoyas, Pariacaca, Huaguruncho: le Pérou Secret (2014) - Les voyages du Ptit Malet
Le Pérou Secret
Des Chachapoyas à Pozuzo - 2014
Amérique
Le Pérou secret
Avril - mai 2014

Introduction

Loin de l'effervescence de Cuzco, du Macchu Pichu ou encore du lac Titicaca, le Nord du Pérou est surprenant de contrastes et de richesses aussi bien archéologiques que naturelles. Des mystères archéologiques des Chachapoyas aux communautés allemandes recluses aux portes de l'Amazonie en passant par des cordillères reculées, ce voyage hors des sentiers battus m'emmène dans un Pérou hors du temps.

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Distance
1 380 km
Durée
36 jours
Point culminant
4 930 m
% de pistes
35 %
La carte du voyage
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Pérou

Le mystère des Chachapoyas

Le climat du Pérou se fonde sur une grande contradiction : alors que les mois de février et de mars sont ensoleillés à Lima, les nuages recouvrent et arrosent abondamment les cordillères et la jungle. Bien qu'il s'agisse d'une occasion d'apprécier au mieux les bonheurs gastronomiques et gustatifs de la capitale, je n'aspire qu'à une chose : repartir dans les Andes.

Les 24 heures de bus reliant Lima et le Nord du Pérou en cette journée d'avril anticipent la folle effervescence de la Semaine Sainte. Dans quelques jours, tous les transports seront bondés, et le pays entier bouleversé vibrera au rythme de cette fête religieuse.
Entre cordillère et jungle, la province d'Amazonas est encore peu visitée bien qu'elle regorge de sites archéologiques illuminant une culture pré-hispanique et mystérieuse : celle des Chachapoyas.

La petite ville authentique et paisible du même nom est le centre de gravité des différentes richesses naturelles ou archéologiques de la région, qui se rejoignent par plusieurs modes de transport et au terme de petites ou moyennes randonnées.
Quelques kilomètres en contrebas, au fond de la vallée, se distingue nettement au loin un magnifique voile d'eau tombant d'une falaise vertigineuse au coeur de la jungle. Un sentier s'enfonce dans la végétation tropicale et permet de rejoindre la cascade de Gocta qui, en deux chutes, mesure près de 800m de haut.
Le gigantisme de ce site naturel alterne avec l'imposance des murailles de la citadelle de Kuelap, la « Macchu Pichu du Nord », perchée à plus de 3400m d'altitude.
A l'écart de ces sites incontournables, d'autres merveilles me procurent plus d'émotions. C'est le cas des sarcophages de Karajia, ou encore des mausolées colorés et isolés de Revash, tout deux nichés au sein de falaises abruptes.
Pourtant, la région foisonne de mille autres mystères, comme en illustre la découverte récente de plusieurs sarcophages inviolés, de tombeaux et de momies. Aussi, en moins d'une semaine, je suis envoûté par cette région verdoyante, à la population chaleureuse et ouverte et véritable mine d'or archéologique. Elle constitue un excellent point de départ à ma traversée.

Par delà le Marañon

La route étroite se faufile dans une vallée verdoyante avant de s'élever au-dessus des nuages au terme plusieurs dizaines de kilomètres d'ascension. Au loin, la route semble serpenter vers un nouveau col d'altitude. Entre les deux, elle descend vertigineusement 3000 m en contrebas, dans un profond canyon où s'écoulent les eaux boueuses du rio Marañon reliant les hautes cordillères aux confins de l'Amazonie.
Plus d'une journée et 50 km de montée supplémentaires seront nécessaires afin d'atteindre les hauts plateaux de Cajamarca aux airs auvergnats.
La route s'élargit. Ce soir, je cède à l'insistance de quelques villageois qui me convainquent de dormir au chaud, dans une petite salle communale dans laquelle un vidéoprojecteur diffuse le film Moïse devant une vingtaine de villageois aux yeux ébahis. Le film se coupe pour laisser place à une messe évangéliste qui ne m'inspire pas, mais que je devrai supporter jusqu'au milieu de la nuit.

Les montées et descentes se succèdent dans des paysages désormais moins scéniques et de plus en plus miniers. Le temps vire à la pluie, voire aux orages et je détourne mon chemin en descendant vers l'océan.
Ville tampon entre le désert et le Pacifique, Trujillo est l'une des plus belles villes du Pérou. Au delà des balcons des maisons coloniales et colorées autour de la Place d'Armes, deux sites incontournables de civilisations différentes et pourtant intrinsèquement mêlées encerclent la ville.
Centre administratif de l'empire Moche, les temples de la Huaca de la Luna/Sol surmontent le désert du haut de leur millénaire passé. Édifices imposants et uniques en Amérique du Sud. Dans un état de conservation surprenant, les frises colorées de plusieurs dizaines de mètres de haut font de la Huaca de la Luna un extraordinaire édifice imposant et unique en Amérique du Sud bien que peu mis en valeur par des autorités politiques insensibles et indifférentes...
Au cours du XIe siècle, l'assèchement provoque l'abandon progressif des temples et de la ville dont le centre s'établit quelques kilomètres plus loin, autour de l'immense temple en adobe de Chan Chan. Les Moches laissent place aux Chimus.

Vert émeraude, bleu électrique

Le temps d'une centaine de kilomètres, le bus m'évite de pédaler à travers les longues lignes droites de la Panaméricaine qui coupent aussi bien le désert que les villes hideuses. En quittant cet axe principal, je me dirige dans une vallée étroite et désertique me rappelant la Karakorum Highway ou la haute vallée de l'Indus. L'asphalte parfait rejoint le village de l'un des anciens présidents du pays. Pourtant, la bonne direction se trouvait à la bifurcation quelques kilomètres en contrebas, qui monte progressivement au canyon de Pato sur une piste sectionnant deux chaînes montagneuses. Les tunnels étroits s'enchaînent. Chaque camion m'envoie son lot de poussière et je finis par céder aux injonctions d'un chauffeur qui se propose de m'emmener l'espace de quelques kilomètres la nuit tombée. Je suis aux portes de la Cordillère Blanche.

Enfilant les sommets à plus de 6000m d'altitude dans un îlot monolithe et longiligne, la Cordillère Blanche détone de par son somptueux isolement. Elle n'autorise que les traversées épiques ou les aller/retours. Je pousse ainsi mon vélo dans les lacets menant aux eaux vert-émeraudes de la laguna Paron, encerclée par les majestueux pics enneigés recouverts par intermittence par une épaisse couche de nuages. Je marche jusqu'à distinguer nettement le sommet pyramidal de l'Artesonjaru avant de faire rebrousse-chemin. Autour de la piste, les femmes aux chapeaux caractéristiques de la région cultivent le maïs qu'elles font sécher au seuil de leur maison.
Véritable belvédère du Huascaran, Yungay porte encore les stigmates des terribles coulées de boue de 1973 qui avaient totalement rasé ce village andin. Depuis les ruines romantiques, la vue sur les immenses glaciers qui semblent entourer et s'écouler lentement ddu plus haut sommet du pays est un spectacle permanent. Je m'en approcherai un peu plus en montant vers la Laguna 69 au bleu électrique.
Les nuages recouvrent les cimes et les glaciers. La saison des pluies s'éternise dans les Andes et je décide de rentrer sur Lima en bus le temps de quelques jours pour mieux repartir à l'assaut de la Cordillère centrale.

Cimes sacrées et communautés secrètes

C'est la troisième fois que je me rend dans le massif du Pariacaca, l'un des plus beaux massifs du Pérou, mais aussi l'un des plus injustement oublié. Sur les flancs de la cordillère, je pousse mon vélo à travers les 4 cols tous situés entre 4600 et 5000m d'altitude. La nature reprend ses droits sur certaines parties de la piste abandonnée et caillouteuse, à moins que les projets miniers n'en décident autrement. La nuit tombée, la pleine lune rasante m'aveugle et les ombres jouent avec les montagnes, m'offrant des scènes hallucinante propres à ces hautes altitudes. L'isolement total s'intensifie en vue des cimes enneigées.
Apu mythique, le triangle sacré du Pariacaca se distingue nettement dans le ciel nuageux et semble arbitrer l'ensemble d'une cordillère traversée par l'un des chemins incas les plus importants du Pérou.

Une journée supplémentaire sera nécessaire afin de venir à bout des deux ultimes cols. De retour sur une route asphaltée, je ne distingue qu'à travers la vitre poussiéreuse d'un bus l'horreur minière de La Oroya et jongle ainsi rapidement d'un massif à l'autre en direction du Huaguruncho. Cette montagne secrète d'une beauté insoupçonnée s'isole des hauts plateaux et des axes principaux. Les glaciers semblent dévaler son impressionnant sommet vers une jungle infinie. La pluie ajoute au mystère des lieux.

Une piste en construction coupe la montagne par un long et étroit tunnel. La jungle succède aux hautes pampas. La nouvelle piste est n'est pas encore terminée et je dois porter puis pousser mon vélo sur un chemin ancestral inattendu et parfois vertigineux en compagnie des communautés. Les escaliers de pierre du chemin inca s'enfoncent quelques kilomètres dans une végétation luxuriante. J'atteins l'autre partie de la piste que la pluie a transformé en boue.
La descente se poursuit dans des paysages incroyablement verdoyants et de plus en plus habités, avant de bifurquer sur une piste cahotante en direction de Pozuzo. La jungle alterne avec les canyons, cascades, puis les pâturages bucoliques. J'aperçois une église au clocher élancé et pointu similaire à ceux que l'on retrouve en Allemagne. Aux portes de l'Amazonie, au coeur de nulle part ont immigrées au milieu du XIX° siècle plusieurs centaines de tyroliens et de prussiens, vivant reclus jusqu'à la construction d'une première piste routière dans les années 1950. Aujourd'hui persistent encore quelques blonds et quelques maisons traditionnelles. Mais la langue, elle, s'est perdue et les mélanges culturels s'amplifient.
« Tu es le premier étranger à venir ici en vélo ». Des sourires, des gens accueillants, souriants et curieux m'accostent, impatients de partager leur particularités et leur histoire. Je suis happé par cette ambiance atypique. Hélas, je dois déjà rentrer. Dans quelques jours, au terme de longues heures de bus puis d'avion, d'escales en escales, je serai en Islande.

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