Un Proche orient si lointain - Voyage en Syrie (2011) - Les voyages du Ptit Malet
Un Proche orient si lointain
De l'Anatolie à la mer Rouge - 2011
Moyen-orient
Un Proche orient si lointain
Janvier - février 2011

Introduction

2009 avait été pour moi un déclic : celui d'une passion naissante pour la Turquie et de son histoire qui ne m'a jamais vraiment quitté jusqu'alors. Si bien qu'en 2011, j'effectue une partie de mes études à Istanbul. Cette année est également pour moi l'occasion de sillonner la région plus en profondeur.
En ces mois d'hiver, je file vers le sud pour l'Arabie de Lawrence. Cette Arabie vivante, accueillante et chaleureuse. Un mois plus tard, la Syrie basculait, la face de l'Orient change alors durablement. Le début de plusieurs années sombres.
Aujourd'hui, c'est empli d'émotions et de chagrin que je repense souvent à ces nombreux Syriens qui m'ont accueilli les bras ouverts sans que je n'aie de nouvelle depuis lors.
Je garde en tête la magie fabuleuse de cet Orient. Elle apparaît désormais si lointaine...

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Distance
1 830 km
Durée
20 jours
Point culminant
1 600 m
% de pistes
0 %
La carte du voyage
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Turquie (Cappadoce)

Le retour du çay

Dans l'aéroport de Marseille, le hall réservé aux compagnies low cost, est vide. L'avion de la compagnie Pegasus Airlines est le seul à partir pour Istanbul ce matin. Pour 180 places, il n'y aura que 45 passagers.
J'arrive à Istanbul tôt dans la matinée et rallie le centre-ville sous la pluie avant de faire mes quartiers : durant plus de 4 mois, j'étudierai à l'Université de Galatasaray.
Deux jours durant, je fais sécher mes vêtements, profite du temps libre avec mes amis, négocie mon futur logement, et règle les premières formalités d'inscription. Les cours ici ne reprennent que le 14 février. Ça me laisse moins d'un mois pour découvrir le Proche orient et relier la mer rouge.

Kirsehir est la porte d'entrée de la Cappadoce, qui marquera le début de mon court périple. C'est dans l'un des confortables bus des nombreuses compagnies turques que je passe la première nuit de mon voyage.
Je m'attendais à un hiver particulièrement froid en Anatolie. S'il y a parfois un peu de neige sur les bas côtés, les températures sont étonnamment agréables et les températures nocturnes ne descendront jamais en dessous des -5°C. Alors que les premières invitations au thé parsèment ma route, j'aperçois les premiers habitats troglodytes.
Au lever du jour, une brume entoure les innombrables cheminées de fée s'étendant à perte de vue et confère aux paysages une allure mystique. La route est vallonnée. Je quitte rapidement la Cappadoce sur une longue 2x2 voies au trafic inexistant. En hiver, ce sont toutes les vastes étendues du plateau anatolien qui semblent s'endormir. Au loin, les neiges de la chaîne du Taurus. C'est entre ces montagnes que je devrai me frayer un chemin afin d'atteindre la Méditerranée.
Un fort vent de face souffle dans l'étroite vallée menant progressivement vers Adana. Je m'approche de la mer. Les oliviers se fonts de plus en plus nombreux, de même que les stations services qui seront l'occasion d'autant d'invitation à boire le thé ou à passer la nuit.

Je m'éloigne à nouveau de la plaine sur une petite route escarpée. Mevlana, cuisinier dans une station-service m'invite à dormir chez lui. Si les invitations à boire le thé sont courantes en Turquie, dormir chez l'habitant est un geste assez rare qui mérite de souligner l'hospitalité de mon hôte.
Mevlana m'emmène faire un tour de la ville. J'y rencontre l'un de ses amis. Ensemble, ils me montrent les richesses archéologiques de la région qui se trouvent parfois même dans leur jardin.
Les montées et descentes sont incessantes et je tente de m'accrocher à tout ce qui me dépasse, avec plus ou moins de succès. Les oliviers s'étalent à perte de vue. La frontière syrienne approche. J'aperçois le poste.
Les formalités sont longues et pénibles avec les douanes syriennes: « Combien de jours allez vous rester en Syrie? Dans quel hôtel allez vous dormir? Vous avez un permis pour le vélo? Le prénom de votre mère... ».
Après quelques mensonges, j'obtiens mon tampon. Cette nuit, seule la pluie interrompt mon sommeil et transforme le vergé où ma tente est plantée en véritable bourbier. La pluie perdurera plusieurs jours durant.

Syrie

Croisade pluvieuse

La pluie persistante me permet d'apprécier le formidable accueil que je recevrai en Syrie. Dans ces journées où pluie et brouillard se mêlent, on m'invite souvent à prendre un thé. Dans le village suivant, on m'appelle à me réchauffer auprès d'un feu. Les gens m'incitent à rester, à parler plus longuement avec eu dans une langue que je ne connais pas.

J'arrive progressivement dans une plaine. Les routes s'élargissent. Dans le bureau de l'une des stations services, sous les sourates envoûtantes du Coran chantées à la télévision, Mustafa compte l'importante masse de billets, tandis que son cousin prépare des parfums. Je suis invité à dormir. Mustafa me demande de rester et d'attendre que la pluie cesse.

« Matar, matar! ». Un homme me fait signe, quelques kilomètres plus loin. Je suis donc invité chez Mohammed, 60 ans, sa femme Amine et ses 4 fils présents: Ali, Tareq, Jamal et Amza.
La pluie tombe sans discontinuer. Amine ne veut pas me laisser partir tant qu'il pleuvra. Sa volonté semble imperturbable. Durant deux jours, je flânerai dans le village, me rendrai à l'école pour assister à un cours de français en compagnie de Jamal et son ami Mezzar. Je dois être l'attraction du village. Mezzar et Jamal se montrent particulièrement attentionnés. Je suis comblé de thé et de présents à longueur de journée. Cette hospitalité me touche. Je suis gêné. Même mes refus ne suffisent pas à les convaincre.
Amza, s'éclipse 5 minutes dans le champ familial, puis revient avec un monticule de boue fraîche dont il extrait une dizaine de morceaux de vase, ou d'objets médiévaux à valeur archéologique certaines. Ici, personne ne veut financer des fouilles officielle. Alors le patrimoine, particulièrement riche, est laissé à l'abandon, jeté et oublié.

Une petite éclaircie parviendra à convaincre Amine de me laisser partir. J'ai été si bien accueilli dans cette famille. Que sont-ils devenu maintenant ? Le village est proche du centre de la rébellion de mars 2011. Ont-ils pu fuir sains et saufs les drames qui continuent de toucher la Syrie ? Aujourd'hui encore, c'est avec le coeur lourd que je repense souvent à eux et reste dans l'attente de leurs nouvelles.

J'atteins Apamée, citée antique qui compta jusqu'à plusieurs centaines de milliers d'habitants avant d'être progressivement laissée à l'abandon, et qui restera comme l'un des plus beaux moments de mon voyage. Seuls quelques bergers guident leur troupeaux dans un immense champ de ruines aux imposantes rangées de colonnes de plusieurs kilomètres de long. Il n'y a pas un touriste. Je circule sur en vélo entre les colonnes. L'éclaircie, l'une des rares depuis plusieurs jours, illumine ce site d'un rayon de mélancolie néo-romantique.

Je dois déjà repartir. Le temps se couvre à nouveau. La route devient de plus en plus escarpée. Je passe Missiaf et la plus célèbre des forteresses des Assassins et traverse des villages chrétiens aux maisons bleues. La pluie ne s'arrête pas.
« Allah, Allah! » s'exclame-t-on en m'ouvrant la porte afin de remplir mon bidon d'eau. Le mur intérieur est ornée d'un crucifix. Cette nuit, je suis invité à dormir dans une famille chrétienne.

Au terme d'une ultime montée, j'atteins le Krak. Cette forteresse renvoie inévitablement au chapitre des Croisades et n'est tombée qu'à la fin du XIIIe siècle. Le piton rocheux sur lequel elle se situe domine les environs et son aspect imposant n'a d'équivalent que dans la finesse de ses voûtes internes.
Désormais, je me dirige vers Homs par l'autoroute. Je ne la quitterai plus jusqu'à Amman, en Jordanie, m'en écartant le temps d'un aller-retour escarpé de vers Ma'aloula. Ce grand village (ou petite ville) chrétien aux maisons bleues est accolé à la parois de montagnes arides et colorées.

Je suis aux portes de Damas, cette ville légendaire et historique qui m'a longtemps fasciné. En son noyau, parmi les différents souks emplis d'épices et de saveurs, la mosquée omeyyade, construite à l'aube du VIII° siècle est l'une des plus anciennes du monde. La ville atteignait alors son âge d'or, capitale d'un immense empire, véritable carrefour des hommes et des idées.
Près de 13 siècles plus tard, les mosaïques et les colonnes qui se reflètent sur un parquet de marbre illuminent encore la ville de sa grandeur passée.

Encore quelques kilomètres et j'atteindrai la frontière jordanienne.

Jordanie

Route des Rois, route du Rum

Pour rejoindre Aqaba, il existe 3 routes: à l'est, la route du désert, la moins intéressante. A l'ouest, la route de la mer morte. Et, entre les deux, la route des rois, itinéraire biblique, la plus belle, mais aussi la plus vallonnée. A l'origine, j'avais prévu de jongler entre la mer morte et la route des rois. Mais le fait de descendre à 400m en dessous du niveau de la mer puis remonter à 1200m sous une pluie qui semble s'installer à nouveau m'en dissuade.
Je suis une nouvelle fois invité. Aubaïn et sa famille m'offrent un toit et un délicieux mensef (poulet bouilli au lait caillé sur du riz au safran orné de quelques cacahuètes). Comme en Syrie, les jordaniens se montrent très curieux: sur mes motivations, ma vie, ma famille. Sous la coupe d'une hospitalité bienveillante, je trouve à l'intérieur le soleil qu'il n'y a pas à l'extérieur.

Les montées et les descentes se succèdent. Avec elles, les canyon profonds du Wadi al Mujib, puis de Wadi al Hassa. Il me reste quelques kilomètres à accomplir pour apercevoir et admirer les falaises et canyons de Petra, merveille géologique dans laquelle les Nabatéens y ont taillé plus que bâti leur capitale, au VIe siècle avant J-C. Mais je ne suis pas accoutumé à la vue d'autres touristes. Je préfère passer mon chemin. Au terme d'une ultime montée, je descends sur l'autoroute menant à Aqaba. Plus à l'Est, entre les deux, s'érige le Wadi Rum.

« Les paysages, dans les rêves d'enfance, ont cette ampleur et ce silence »
Le Wadi Rum, ce désert aux falaises majestueuses rougissants au coucher du soleil est rendu célèbre par Lawrence d'Arabie qui s'y était réfugié avec l'armée de la révolte arabe en 1917. Au terme d'un nouveau détour, au milieu de nulle part et au coeur du désert, l'horizon est parsemé de falaises et de montagnes colorées. Cette nuit, je contemple les étoiles dans un silence absolu.

Je reviens sur la grande route, pour effectuer les 40 derniers kilomètres vers Aqaba, cette citée balnéaire de 100 000 habitants. Des palmiers bordent les avenues. En face, la mer Rouge s'étend de son bleu aux nuances turquoise et profondes.
Désormais, il me faut rentrer: mes cours reprennent dans moins d'une semaine. Le soir même, je prends le bus pour Amman, puis pour Damas le lendemain avant de rentrer en Turquie.
Les formalités pour sortir de Syrie sont longues. Le bus est reparti parti sans moi, le vélo et mes bagages en soutes. Je suis inquiet. Non sans peine, je parviens à trouver un bus qui m'emmène à Antakya. J'y retrouverai mon vélo et mes affaires en parfait état. Cette fois, la route est directe jusqu'à Istanbul.

Je peux enfin prendre un bon et long bain chaud, pensant bien que je n'ai pas le droit de rester plus de trois mois d'affilée en Turquie. Il me faudra donc trouver une nouvelle destination dans quelques temps...

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