Du Yucatan au Panama - Amérique centrale (2014) - Les voyages du Ptit Malet
Entre volcans et Caraïbes
Amérique centrale - 2014
Amérique
Entre volcans et Caraïbes
Janvier - février 2014

Introduction

J'avais toujours imaginé l'Amérique centrale peu propice au voyage à vélo: grands axes au trafic important, chaleur moite, paysages plutôt moyens... Pourtant, j'ai été très agréablement surpris par un grand nombre de ces petits pays aux mille contrastes.
Après un court séjour en France afin de passer les fêtes de fin d'année, je m'apprête à prendre l'avion pour Cancun, où j'acheterai un vélo que je vendrai à Panama, au terme de la traversée plus ou moins prolongée des 8 pays d'Amérique centrale.

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Distance
4 415 km
Durée
42 jours
Point culminant
2 590 m
% de pistes
2 %
La carte du voyage
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Mexique (Yucatan)

Plages arrosées

« Tu n'as pas froid? » Il fait 20 degrés. La pluie s'apprête à tomber. Je suis au Yucatan, région côtière du Mexique habituée au températures estivales et au soleil. 20 degrés, les gens n'ont jamais vu ça ici, pas plus qu'un ciel épaissit par les nuages depuis plus de 5 mois maintenant, alors que la saison sèche aurait du débuter depuis novembre dernier. « Ça fait 8 ans que je tiens mon commerce, me dit une femme. Jamais, même en saison des pluie il n'avait été inondé comme aujourd'hui ».

Pour moi, ces températures et ce climat ne me gênent pas plus que cela. Le Yucatan n'est pas réputé pour la beauté de ses paysages: les forêts tropicales sont planes et monotones. Et le temps devient alors agréable (quoique très humide) pour la pratique du vélo. Je n'ai d'ailleurs qu'à prendre mon savon dans la poche afin de prendre une bonne douche journalière.
En réalité, je plains plus ceux venus ici afin de profiter des nombreuses très belles plages de la Rivera Maya. En effet, la péninsule du Yucatan a connu ces 30 dernières années un développement touristique frénétique qui en fait l'une des destinations privilégiées pour le farniente. Aussi, des quelques millions de touristes profitant des plages de la péninsule, seule une petite poignée décide de s'y aventurer a vélo. Je fais partie de ceux là.

Délaissant les plages encombrées aussi bien par les touristes (haute saison) que par les nuages, je choisis de privilégier les petites routes, aux villages paisibles et à l'atmosphère détendue, et surmontés par de magnifiques églises baroques et colorées.
A partir de 11 heures, le site de Chichen Itza (l'une des « 7 merveilles du monde ») est investit par les marchands et les touristes venus de la Rivera Maya. L'endroit n'est pas propice à la méditation et je le déserte pour lui préférer Uxmal et surtout Calakmul. Le spectacle « son et lumière », de nuit, dans le premier d'entre eux est une pure merveille dévoilant le raffinement de l'art Maya en illuminant ses frises détaillées. Le second site, Calakmul, m'oblige a effectuer un aller/retour de plus de 240km pour m'enfoncer au coeur de la jungle yucatèque. Le site est une ancienne ville comptant plus de 40 000 habitants à la fin du premier millénaire, splendeur oubliée surmontée de hautes et majestueuses pyramides dégageant une impression de verticalité vertigineuse et surplombant la vaste jungle dans laquelle elles paraissent complètement isolées.

Le beau temps semble désormais s'être installé quelques jours. De ce lieu magique, à quelques kilomètres à peine du Guatemala, je dois faire rebrousse-chemin, faute de route, afin de me diriger vers le Belize.

Belize

Traversée éclair

Le Belize présente bien des différences avec ses voisins centro-américains. On m'interpelle: « Yo, Mister White Man ». La langue officielle ici n'est plus l'espagnol, mais l'anglais, parlé par l'immense majorité de la population, la plupart afro-caribéenne. Une forte minorité latino s'exprime quant à elle en espagnol, tandis qu'une petite minorité de chinois (tenant les différents petits commerces et super-marchés notamment) ne maîtrise ni l'une, ni l'autre de ces langues... 
L'importance de la communauté afro-caribéenne s'explique par le passé particulier du pays, au coeur des rivalités hispano-britanniques et centre du commerce du bois qui a recouru à la traite négrière. Aujourd'hui encore, le pays conserve des liens avec le Royaume Uni, visibles notamment par la présence de la reine Elisabeth II sur tous les billets de banque...

Entre maisons sur pilotis et marécages, c'est dans une ambiance plus caribéenne et plus afro-américaine que je parcours les étroites routes dangereuses (les highways ne correspondent en réalité a de simple routes « départementales ») et rectilignes sur lesquelles fusent camions et pick-up. Le plat monotone et mon faible intérêt pour les plages font que le Belize me laisse peu sensible. Les ruines mayas, quant à elles, sont d'un intérêt moyen, surtout en comparaison avec ce qui m'attend au Guatemala: Tikal.

Guatemala

Florilège de couleurs

Situé au coeur d'une jungle profonde percée par le chant des oiseaux et le rugissement des jaguars, Tikal est probablement le plus majestueux des sites mayas, contrebalançant jadis l'hégémonie de la région avec Calakmul. Les différents temples rivalisant d'élégance s'élèvent au dessus d'une jungle vallonnée, conférant au site un aspect mystique, même par mauvais temps...

Les centaines d'enfants que j'aperçois sur le bord des routes, reflets d'une explosion démographique importante, entament et crient à l'unisson: « Gringo, Gringo ». Je traverse différentes communautés aux apparats et aux dialectes distincts: le Guatemala compte plus d'une vingtaine d'ethnies, dont les costumes des femmes rivalisent de couleurs pétillantes et révèlent la finesse de leur tissage. 
Le mauvais temps depuis quelques jours m'incite à emprunter un bus sur quelques dizaines de kilomètres pour atteindre Coban. Je bifurque à l'ouest, empruntant alors une piste de pierre sur de longs kilomètres descendants vers un rio. Ce soir, je dormirai sous la surveillance bienveillante d'une communauté.
Les descentes rapides succèdent interminablement aux pentes verticales des montées. Sous un soleil retrouvé, j'arrive péniblement au lac d'Atitlan d'un bleu azur, bordé de trois majestueux volcans de plus de 3000 m d'altitude et où je rencontre 2 cyclistes français. Le coucher de soleil sur les rives du lac m'offre une symphonie de couleurs d'un romantisme mélancolique.
Je poursuis mon chemin vers Antigua, ville coloniale aux rues pavées et aux maisons colorées dégageant un charme indubitable. Encerclée par plusieurs volcans, la ville, fondée au XVI° siècle, était alors l'une des plus belles et des plus importantes des Indes espagnoles.

Je me sens bien dans ce pays authentique et varié, loin de l'image négative qu'il véhicule. Surprenant de couleurs, le Guatemala est incontestablement bien plus que l'incontournable triptyque Tikal-Atitlan-Antigua.

En descendant vers le Pacifique, je me dirige désormais vers le Salvador puis le Honduras par une route plus plane, longeant la longue chaîne de volcans s'étirant sur toute la partie ouest de l'Amérique centrale.

Salvador - Honduras

Au royaume de la Pupusa

A l'approche de la frontière se forme une gigantesque file de camion, embouteillage d'une quinzaine de kilomètres et résultat d'une grève contre une taxe d'entrée imposée par le Salvador. Je dépasse d'innombrables trailers durant plus d'une heure, interrogeant plusieurs d'entre eux. La vie suit son cours : les chauffeurs mangent ce que leur vendent les marchants ambulants, dorment dans des hamacs à l'ombre de leur véhicule, se baignent des les petits rio alentours.

La Panaméricaine au trafic important se faufile entre Pacifique et une enfilade de volcans. Je ne me baignerai dans l'un pas plus que je ne gravirai les autres, trop occupé a surmonter une chaleur de plus en plus importante et à la recherche d'un lieu pour échanger mes devises. Les distributeurs ne prennent pas en compte ma carte-bancaire et l'euro ne se change que difficilement dans un pays rompu au dollars. Ce n'est qu'avec difficultés et un peu de chance que je parviens à échanger quelques billets dans un commerce de l'aéroport international.

Pupusa ! Si j'avais déjà eu l'occasion de goûter à ces délicieuses galettes de mais fourrées au fromage ou encore aux haricots, chicharones, riz, etc., elles ne révèlent que véritablement leur saveur ici, au Salvador. Plat de rue préféré et emblème culinaire national, je suis souvent happé par le bruit de leur préparation qui me manquera tant dans les pays suivants.

La route devient plus vallonnée, aux abords de La Union. La frontière hondurienne est proche, plongé dans des paysages de plus en plus secs et jaunis, loin de la luxuriance de la végétation de la côte Caraïbe.
La traversée de plus de 130km km bande côtière Pacifique du Honduras est rapide. En un peu plus d'une journée, me voilà déjà au Nicaragua.

Nicaragua

Fusions et métissages

Nicaragua. Voilà un nom d'un exotisme mystérieux et lointain qui m'a dévoilé une partie de ses enchantements. En arrivant dans ce pays, je m'attendais a faire face a une armée de moustiques, corollaire a la moiteur étouffante d'une vaste plaine marécageuse.  Ce n'est qu'en (grande) partie vrai. Les semaines passant, mes jambes ont collectionné plus d une centaine de piqures.

Il fait plus de 36 degres. Un bruit de cloche attire mon regard. Me vient alors ce reflexe pavlovien de freiner et de m'arrêter dans l'unique but d'engloutir une, puis deux, puis trois glaces proposées par ces marchands ambulants (en vélo), véritables héros de ma journée. Les raspados, bloc de glace « râpé » au sabot et surmonté d'un coulis a base de sirop d'ananas, de tamarin, ou encore de dulce de leche (sorte de lait concentré) constituent un délice journalier toujours rafraîchissant.

Mais le pays recèle également de bien d'autres merveilles, aux premiers rangs desquelles s'alignent avec harmonie une succession de volcans dont le nuage de gaz ou de fumée au dessus de chacun de leur cratère m'indique de leur état d'activité. Ainsi se suivent le San Cristobal, le Cerro Negro, le Masaya, ou encore, au bord du lac Managua, la nette silhouette parfaitement symétrique du volcan Momotombo, qui semble veiller sur son petit frère, le Momotombito.

Traverser le Nicaragua, c'est aussi se laisser bercer par l'accueil de ses habitants : les Nicas. Je dors souvent sous la bienveillances des gardiens des fincas, vastes plantation ou parcelles de terrains où prospèrent vaches et chevaux. Dans cette ambiance rurale, je goûte souvent à l'excellent jus de tamarin proposé par cette population métissée et chaleureuse.
Traverser le Nicaragua, c'est enfin se laisser séduire par la splendeur et le charme de deux grandes villes coloniales à l'impérissable rivalité: Léon et Granada.
La première, plus industrielle et populaire, est le coeur historique des Libéraux. Elle renvoi également à travers ses affiches au passé sandiniste du pays. Symbole de la doctrine Monroe, le pays, en constante instabilité politique, était le centre d'une intense guerilla anti-américaine au cours des années 20, dont les répercussions durant la Guerre froide ont élevé Augusto Sandino au rang de mythe.
La seconde ville, la plus ancienne du pays, coeur de la piraterie et de la flibusterie au XVIIe siècle, apparaît plus bourgeoise et commerçante et davantage touristique. Granada, dont le nom fait hommage a la défaite de la dernière cité Maure de la péninsule Ibérique, a construit son image autour du Conservatisme.

Mais plus qu'une rivalité, le Nicaragua évoque surtout pour moi la communion et la fusion entre les lignes imposantes de volcans parfois actifs et l'effervescence de villes coloniales colorées et authentiques.
Au terme de moins d'une semaine dans ce pays à lutter face à la chaleur ou au vent, j'entre déjà au Costa Rica.

Costa-Rica

Végétation luxuriante, nature aménagée?

Je suis las des frontières. C'est la septième fois en moins d'un mois que je jongle d'un pays d'Amérique central à l'autre. Taxes improvisées, changement de devises une, puis deux fois afin de payer la taxe suivante, et repasser au fond de la file d'attente de ce poste-frontalier important, situé sur la Panaméricaine : l'administration nicaraguayenne, véreuse, offre un contraste saisissant avec la rigidité et l'organisation de celle du Costa Rica.

La nature devient plus exubérante. Au loin se distinguent peu à peu les volcans de la région : Orosi, Rincon de la Vieja, ou encore Miravalle. Le plus imposant d'entre eux est sans doute le cône parfait du volcan Arenal, actif depuis près d'un demi-siècle, et surmontant du haut de ses pentes vertigineuses un majestueux lac artificiel. Je m'écarte des routes sujettes aux vents pour emprunter des pistes régulièrement parcourues par des VTTistes passionnés (l'un des sports les plus populaires au Costa Rica), qui sont aussi nombreuses que pentues et proposent des passages effleurant parfois avec les 20%.
A l'approche du parc national croissent les complexes touristiques et hôteliers. La météo instable et pluvieuse ne m'encourage pas à m'attarder à La Fortuna, dont le volume conséquent de touristes anglo-saxons me fait davantage penser à une colonie américaine. En décidant de privilégier le volcan Poas, je m'apprête à affronter une longue montée sous une chaleur tropicale. La nuit tombe. Le volcan demeure enveloppé par une épaisse couche de nuages. Je pousse mon vélo lors des ultimes kilomètres avant d'atteindre l'entrée du parc national, protégé fermement par une barrière infranchissable. Cette nuit, je dors dans le garage du bâtiment réservé aux gardes du parc national. Le lendemain, j'atteindrai le sommet peu avant l'arrivée des autres touristes, le temps juste de contempler ce profond cratère photogénique dans lequel baigne un lac acide entouré de caldeiras érodées et surmonté d'une végétation luxuriante. Du haut de ses 2570m d'altitude, le stratovolcan Poas, d'apparence tapissée et aplatie, domine pourtant la plaine alentours. Peu à peu affluent les bus touristiques. Il est temps pour moi de quitter ce lieu féerique, nature aménagée pour le tourisme, et de redescendre peu à peu vers la capitale parmi les alpages et prairies verdoyantes dans lesquelles paissent paisiblement les vaches.

Les kilomètres ont eu raison de mon boîtier de pédalier, que je dois faire changer dans la banlieue de San José, mais qui a cependant endommagé mon cadre, armature du vélo. La solution est bancale, mais devrait me permettre de tenir encore les quelques 900 km qu'il me reste afin de relier Panama City. La chaleur s'intensifie au fur et à mesure de la longue descente me menant vers la côte Caraïbe. Les lignes droites de la route étroite et encombrée de camions se succèdent pour rallier Puerto Limon, port le plus important du pays aux accents afro-caribéens et aux connexions régulières avec l'Europe, notamment pour le commerce de bananes. Malgré son poids économique, la ville comme la côte des Caraïbes souffre indéniablement d'un manque infra-structurel, si bien que la région me paraisse en retrait par rapport aux autres provinces d'un pays qui demeure pourtant le plus riche d'Amérique centrale.
La route bordée de cocotiers longe parfois des plages désertes de sable fin dans lesquelles déferlent paisiblement les vagues d'une mer azur et agitée en ce début de mois de février. Je m'approche peu à peu de l'ultime frontière du voyage.

Panama

Douceur amérindienne

A quelques kilomètres à peine de la capitale, je suis happé par la bienveillance et la quiétude des Emberas, peuple amérindien vivant retiré au coeur d'une jungle qui s'épaissit au fur et à mesure de l'avancée des lanchas, grandes pirogues motorisées, sur le rio Chagres. J'ai atteins mon ultime destination. Le lendemain, je vendrai mon vélo 40 USD au gardien de ce parc national, qui me déposera ainsi à l'aéroport de Panama City. Mon voyage est terminé.

En entrant par le versant Caraïbe, la route suit les nombreux villages indigènes par une succession infinie de montées et de descentes. Almirante est un port à afro-caribéen aussi crasseux qu'authentique, melting pot  de noirs, indigènes, latinos, touristes étrangers et commerçants chinois, qui composent parfois des métissages détonants. Le temps est incertain et j'abandonne mon projet de rejoindre l'île de Bastimento, trésor naturel tant par ses plages que par la diversité de la faune locale.
La route, sans un mètre de plat, traverse les différentes communautés indigènes dans une forêt luxuriante, mais reste à bonne distance de la mer. J'aborde avec appréhension la Quilla del Diablo (la Quille du Diable), au j'ai préférée au Cerro de la Muerte (Massif de la Mort) au Costa Rica. Plus d'une demie journée sera nécessaire afin de gravir les 40km d'ascension irrégulière, et d'atteindre le versant Pacifique, plus sec et ensoleillé. Les robes des indiennes Ngöbe révèlent leur éclat un peu plus à chaque kilomètre.

L'océan Pacifique succède à la mer turquoise des Caraïbes. À l'approche de la Panaméricaine, je croise à nouveaux d'autres cyclo-voyageurs parmi lesquels Sébastien, français et parti de Colombie pour rejoindre le Costa Rica, et avec qui je camperai sur l'une des vastes plages de la côte Pacifique. Ce qui constitue l'axe routier le plus important n'est encore ici qu'une départementale peu entretenue, cahotante, étroite, et encombrée par les camions. Le trafic devient de plus en plus important à l'approche de Panama, là où la route se mue enfin en une 2x2 voies.

Ma lente avancée se poursuit au rythme des heures tantôt matinales, tantôt tardives, voire nocturnes, éclairé alors par les phares des nombreux véhicules, de la pleine lune montante, et de ma frontale. La chaleur moite et pesante en mi-journée retarde ma marche, si bien qu'il devient préférable de rouler de nuit. Mon boîtier de pédalier me fait à nouveau défaut et oppose une résistance à chaque tour de manivelle qui double l'énergie dépensée dans chaque montée, à chaque coup de pédale.
J'atteins le Pont des Amériques, enjambant le canal avant de rejoindre la capitale. La ville aux deux visages alterne entre les grattes-ciels imposants de la City, centre financier et plaque tournante du pays, et les balcons de maisons colorées et coloniales de Casco Viejo. La police veille à proximité de chaque carrefour de ce quartier authentique, mais dont la traversée de nuit n'est pas sans risque.
Les cyclistes sont nombreux : Panama City se prépare à accueillir la troisième édition de son triathlon. Pourtant, je n'assisterai pas à celui-ci, et m'éloigne rapidement de la ville, longeant le canal qui me donne un aperçu de ces imposants remorqueurs qui, chaque jour, traversent les trois écluses et rejoignent un océan à l'autre. Admiratif par le gigantisme de cette construction humaine, je m'imagine plus d'un siècle en arrière, pensant à quel point les conditions de travail et le creusement d'un canal dans une zone marécageuse, tropicale et au relief prononcé devaient être rudes et coûteux. Cela a d'ailleurs mis en échec le projet français et mené directement à l'un des plus grands scandales politique de la IIIe République, avant que les Etats-Unis n'en rachètent les droits et termine la construction à l'aube de la Première guerre mondiale.

Le pays aux deux visages

À moins d'une heure de Panama, je traverse une jungle épaisse. J'emprunte alors des routes hors des sentiers battus et y fais des rencontres plus marquées et vivantes au coeur d'une population métissée. Je m'approche des rives du lac Alajuela et du parc national Chagres en cette chaude matinée de février, afin de rendre visite aux communautés indigènes emberas, migrant il y a plus de 40 ans de la jungle du Darien pour des raisons tant politiques que sociales. Depuis l'embarcadère, j'observe le va-et-vient des locaux qui se dirigent vers des communautés voisines, avant que les cars de touristes ne les supplantent. La création d'un parc national a bouleversé le mode de vie des communautés emberas, qui ne sont pratiquement aujourd'hui dépendantes des revenus générés par le tourisme. Les coutumes ont évolué, ballottant entre préservation pour le touriste et adaptation à son regard.

Je conserve un sentiment mitigé de ces communautés ouvertes et chaleureuses, mais qui devront adapter leur intimité à un tourisme qui se massifie.

Ainsi est le Panama, pays surprenant et animé par mille contradictions. Oscillant et s'étirant longuement de toute sa superficie entre deux océans, le pays est avant tout indissociable à son canal qui le coupe en deux, coeur économique et stratégique dont seule Panama City, la capitale, semble tirer profit. Parallèlement, le pays offre bien des diversités : entre canal et jungles, Pacifique et Caraïbe, le pays a également conservé des fragments d'identités amérindiennes qui se révèlent autant de surprises pour le regard du visiteur.
Si je n'ai pas le temps de rejoindre l'archipel de San Blas, peut-être l'un des plus beaux du monde, je suis heureux de cette nouvelle traversée qui se termine, avec la visite de communautés amérindiennes, sur une note douce et tranquille. Je repense à ce que j'ai vécu pendant près d'un mois et demie. C'était un beau voyage.

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