Limpopo, Great Zimbabwe, Zambèze, Malawi : fragments de Mozambique (2025) - Les voyages du P'tit Malet
Fragments de Mozambique
Mozambique, Zimbabwe, Malawi - 2025
Afrique
Fragments
de Mozambique
Avril 2025

Introduction

Des morceaux de Mozambique, épars comme des éclats de piste sur l’asphalte de la Nationale 1 : le Sud, Maputo, les plaines du Limpopo ou du Zambèze, les plages, l’ancien comptoir d’Ilha do Moçambique. J’avais imaginé le Mozambique, tout au long de sa façade maritime, comme un pays d’une incroyable diversité. J’imaginais un itinéraire émietté, happé par les détours. Au Zimbabwe d’abord, avec les murailles circulaires du site qui a donné son nom à tout un pays. Un trésor archéologique unique. Au Malawi éventuellement, ensuite, et ses champs de thé qui s’étendent au pied des falaises de Mulanje.
Pour la première fois, mon itinéraire n’ira pas à son terme. Et pourtant, j’ai eu le sentiment de vivre un voyage complet, court et intense. Car de ces fragments naît un harmonieux synchronisme : des visages, des sourires, des pistes, des couleurs. Tous les ingrédients d’un voyage en Afrique.

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Distance
2 080 km
Durée
20 jours
Point culminant
1 200 m
% de pistes
15 %
La carte du voyage
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Mozambique (plaine du Limpopo)

Rectiligne Limpopo

J’appréhendais Maputo. L’idée de traverser une grande ville africaine quelconque, sa circulation bouillonnante et son insécurité galopante, ne m'inspirait pas vraiment.
Pourtant, s'extirper des avenues embouteillées de la capitale mozambicaine s'est avéré plus aisé qu'imaginé. L'avion survole d’abord le littoral, puis contourne les quelques immeubles avant d'atterrir en douceur. Le visa en poche, le vélo monté, et la carte SIM achetée, je longe brièvement le bord de mer, avant de m'éloigner en une paire d’heures.
La 2x2 voies permet de rester un temps à l'abri de la circulation. Elle laisse place à une simple voie au bas-côté encore assez large, mais qui finit par se rétrécir jusqu'à la ville de Macia. À chaque village au bord de la chaussée, je trouve mon bonheur devant les vendeurs de noix de coco ou encore de petites bananes sucrées. Et, exceptionnellement, une boulangerie me rassasie de pastéis de nata.
Je quitte la route nationale 1, que je compte bien retrouver près de mille kilomètres plus au nord. L'asphalte s'étire d'un bout à l'autre de la plaine du Limpopo le long d'interminables lignes droites. Il se passe parfois une journée entière sans que je n’aie à négocier un seul virage. Le trafic finit par disparaître presque complètement.
La route longe une ancienne voie ferrée sur laquelle circulent encore lentement un ou deux trains de marchandises par jour. Les champs de riz ont depuis longtemps laissé place à de la brousse aride entrecoupée de quelques rares villages. Dans chacun d’eux, les sourires affleurent à mon passage.

« Bom dia, boa viagem ! »
Le portugais et l’énergie positive des Mozambicains me rappellent l’ambiance qui m’avait accompagné en Angola deux ans plus tôt.

Au bout du tarmac : Chicualacuala. Le village s’organise en jolies maisons aux couleurs claires, chacune encadrée de petits jardins, comme une réplique à peine défraîchie d’un quartier tranquille de banlieue posé au milieu du bush. Je suis déjà à la frontière avec le Zimbabwe, dont le poste paraît discrètement assoupi en ces premières heures de la matinée.

Zimbabwe

La Kuelap africaine

« You're not afraid of elephants ? »
On m’explique que je dois traverser une partie du parc national de Gonarezhou. Changement de décor : une piste sablonneuse s’enfonce dans la savane. La chaleur agite les herbes hautes et écrase des paysages de plus en plus arides. Je traverse le parc sans apercevoir le moindre animal.
Dans l’après-midi, l’orage éclate, détrempe le sol, creuse des flaques et des sillons dans un mélange de sable et de boue. Le village suivant se situe à plusieurs dizaines de kilomètres. Je m’abrite vainement sous un arbre. L’occasion de constater qu’après plus de 40 000 km, mes sacoches ne sont plus tout à fait imperméables.

Retour sur l’asphalte. Dans un entrelacs de falaises granitiques et de collines encore verdoyantes en cette fin de saison des pluies, on longe une succession de champs de maïs, d’orge, de sorgho ou de mil. Autant de cultures qui mordorent le paysage vallonné. La route est partiellement en travaux. Le bas-côté disparaît alors subitement, rendant dangereuse la cohabitation avec le flux de camions allant et venant d'Afrique du Sud.

À l’épicentre du pays, le site de Great Zimbabwe est une énigme minérale engourdie dans les collines. Le site est unique dans cette partie du continent. Il est le plus vaste ensemble archéologique précolonial découvert au sud de la ligne sahelo-éthiopienne.
La cité connut son apogée entre le XIᵉ et le XVᵉ siècle, lorsque les souverains d’un ancien empire contrôlaient une partie des grands axes commerciaux reliant l’intérieur de l’Afrique à l’océan Indien. De l’or, de l’ivoire, du cuivre quittaient alors ces hauts plateaux pour rejoindre le littoral et Kilwa, puis, de là, les marchands arabes, indiens ou chinois.

D’imposants murs de pierre soigneusement ajustés et hauts par endroits de près de dix mètres, s’enroulent en un cercle parfaitement elliptique jusqu’au cœur du « Grand Enclos ». Sa tour conique semble avoir eu une fonction rituelle. Non loin, l’Acropole perchée sur son éperon de granit servait probablement de résidence au souverain, tandis qu’entre les deux, en contrebas, les quartiers d’habitation s’étendaient, abritant une population estimée à près de 18 000 habitants.
À partir du XVe siècle, la ville fut abandonnée et le site sombra dans l’oubli. A tel point que les Européens, qui la redécouvrirent au XIXe siècle, refusèrent longtemps d’admettre qu’une telle cité ait pu être bâtie par des populations africaines. En donnant son nom au pays, Great Zimbabwe s’élève aujourd’hui comme le symbole de l’identité nationale.

Le silence est seulement interrompu par les grognements d’une poignée de babouins. Les pierres conservent leur mystère. Voilà des années que je rêvais de ce lieu, dont les murailles cyclopéennes ornées de motifs symétriques m’évoquent singulièrement Kuelap comme un lointain écho andin.

Vue aérienne sur le Grand Enclos, la partie la plus spectaculaire du site de Great Zimbabwe. Droner sur un site classé à l'UNESCO n'est pas chose courante. Mais à la fin de l'après-midi, les visiteurs se font rares.
Bier, give me bier, aaaaargh!

Tout autour de Great Zimbabwe, de petites routes vallonnées permettent de s'éloigner du trafic. On contourne un lac. On aperçoit des peintures rupestres. Puis on retrouve la voie principale.
Les paysages changent. Les rangées de tournesols cèdent place à des baobabs, dont les silhouettes massives se dressent dans la savane. On descend alors en pente douce vers le Birchenough Bridge, un immense pont d’acier suspendu au-dessus de la Save River. Une cathédrale métallique, trésor d'ingénierie quasi-centenaire, dont les arches élégantes et prodigieusement arrondies s’élèvent dans un ciel sans nuage. Ses formes rappellent le Harbour Bridge de Sydney : leur point commun est d’avoir été dessinés par le même architecte.

Au Zimbabwe, les villages se suivent et se ressemblent : petits agglomérats d’échoppes accolées, des general stores aux façades poussiéreuses et aux porches protégeant du soleil. Les restaurants semblent ne servir que du poulet frit ou l’incontournable sadza, une purée fade de manioc dont on utilise les feuilles dans un accompagnement mijoté avec des morceaux de poulet ou de bœuf. Un classique qui rappelle la cuisine d’Afrique centrale.
L’accueil est souvent chaleureux.
« How are you, sir ? »
Les enfants sourient, pendant que les adultes saisissent l’occasion de me prendre en photo sur leur smartphone.
Au fil de l’après-midi, les abords des commerces se transforment. Les buveurs s’agglutinent, sifflent, interpellent. Il suffit d’une courte pause devant une boutique pour les voir s’approcher lentement, vacillant, comme une horde de zombies attirés par l’unique Blanc :
« Bier, bier… aaargh ! »
Chaque soir, le rituel recommence. Les commerçants s’y sont habitués : on ferme les frigos à clé, on soude des grilles de fortune devant les étals échaudés.

Un homme me lance, mi-sérieux, mi-fataliste :
« Ici, il y a plus de diamants que de tomates. »
Un paradoxe propre à tout le continent. Comme son voisin zambien, le Zimbabwe possède un sous-sol d’une immense richesse : les mines d’or, de platine, de chrome ou de diamant sont exploitées par d’importantes compagnies chinoises. Pourtant, pour beaucoup, l’agriculture est plus précieuse que la pierre.
Comme souvent, les bords de la chaussée affichent l’opulence des locaux : on y vend des fruits, des tomates ou du miel, un miel sombre et corsé qui m’accompagnera tout au long de mon voyage.

La route s’élève à nouveau très progressivement sur une savane d’altitude, avant d’atteindre la dernière ville du Zimbabwe. De là, on zigzague dans un défilé de camions à l’arrêt jusqu’à la frontière mozambicaine. Les paysages changent à nouveau. Entre deux averses, les rayons du soleil dévoilent une plaine ondulée et verdoyante, tapissée de bananeraies.

Bien que souvent monotones, les routes du Zimbabwe m'offrent de belles couleurs particulièrement en fin de journée.

Mozambique (Gorongosa - Zambèze)

Retour sur la Nationale 1

Un bitume large et neuf s’élance entre les collines sur plus d’une centaine de kilomètres, jusqu’à l’embranchement de la Nationale 1.
Elle n’a toutefois plus grand-chose à voir avec le tronçon emprunté les premiers jours. Si certaines sections ont été améliorées, on doit parfois slalomer entre de gigantesques nids-de-poule. L’asphalte disparaît même complètement laissant place à une piste poussiéreuse et sévèrement bosselée. Je règle mon allure sur celle des rares camions qui, comme moi, contournent minutieusement le massif du Gorongosa et chacun des cratères qui criblent la chaussée.
La brousse encore humide est piquetée de huttes et de villages isolés qui annoncent la plaine du Zambèze. Ici, la chaleur se fait moite et étouffante.
Une piste bifurque vers le Malawi. Un pont métallique franchit le fleuve.

Le géant du Zambèze

Pour rallier les deux rives du Zambèze, le pont ferroviaire de Dona Ana prend son temps. Plus de trois kilomètres et demi d’acier enjambent majestueusement les rives marécageuses, puis le fleuve. Construit au début des années 1930, le géant de métal, fatigué par près de 100 ans d'histoire, ne tolère plus qu’uniquement les cyclistes et les piétons (voire de rares petites motos).
Durant de longues minutes, je roule au son des claquements réguliers des planches de fer ou de bois disjointes, brinquebalantes, et séparées les unes des autres par une dizaine de centimètres de vide. À travers ces fentes vertigineuses, on devine le flot puissant du Zambèze gonflé par les pluies d’avril.
Je choisis parfois de descendre de selle pour pousser mon vélo, en marchant aux côtés des quelques locaux. Certains imperturbables poussent une monture chargée de dizaines de kilos de vivres, de sacs de maïs, ou même encore d’un réfrigérateur. Un ballet d’hommes, de femmes et d’enfants avance patiemment en funambules sur cette passerelle d'antan.

J'avais longtemps hésité à prendre l'itinéraire qui enjambe le Zambèze sur l'un des ponts les plus longs de tout le continent. Finalement, le pont Dona Ana, géant d'acier quasi-centenaire, sera un haut lieu de mon voyage.

Le pont Dona Ana devient alors une scène suspendue au-dessus du fleuve mythique. En le traversant, on franchit l’un des seuils invisibles de l’Afrique. De l’autre côté, une piste étroite et sablonneuse file dans ce morceau de Rift, vers le Malawi.
Ici, point de véhicules. Une kyrielle de villages, une foule d’hommes, de femmes ou d’enfants qui marchent le long de la piste, portant sur leur tête le poids de tout un continent. Des sourires, des cris, des chants. Comme une longue fresque africaine, les scènes de vie s’entremêlent. Des femmes aux vêtements bigarrés s’attroupent autour des puits, pompant l’eau avec énergie dans leurs jerricanes jaunissants au rythme de leurs chants qui résonnent à travers la plaine. Un fourmillement humain s’agite et s’anime devant les étals des marchés ou aux portes des églises. L’Afrique surpeuplée, chaleureuse, et colorée. Ici, je me sens comme un visiteur privilégié. Il s’agit là d’instants rares, de ces moments qui rendent mon voyage particulièrement marquant.

Du Zambèze à la frontière malawienne, une piste étroite à peine sablonneuse file à travers la plaine. J'ai le vent de dos et le temps pour savourer les innombrables scènes dans les villages ou sur le bord de la chaussée.

Malawi

Sur la pointe du Rift

Le passage de la frontière marque le retour de l’asphalte. À la lisière du grand Rift africain, la vallée de Shire est dans la continuité des derniers villages mozambicains. Elle est aussi extrêmement peuplée : un flot d’humanité ininterrompu s’étire sur plus de 200 kilomètres d’un bout à l’autre de la vallée. Comme souvent en Afrique, je me sens observé. La foule s’exclame à mon passage ; les enfants hurlent, inventent des mots dans un anglais qu’ils ne comprennent pas.

Au milieu des champs de canne à sucre, le Nyala Park condense en près de 400 hectares une partie de la faune africaine : singes, impalas, zèbres et girafes sont soigneusement entretenus par la multinationale Illovo. Nyala est une poussière au regard des grandes réserves africaines. Mais une réserve naturelle qui m’offre un moment de répit. Surtout, je peux y circuler en vélo et dormir, en tête à tête avec une nature exubérante.
Hélas, les pluies de ces derniers jours ont rendu les pistes boueuses et ne me permettent pas de m’aventurer plus en profondeur : ce n’est pas encore cette fois que je pourrai observer des girafes ou des zèbres.
Bientôt, la route s’élève vers les hauts plateaux. Je dépasse Blantyre et découvre des paysages dénudés de hautes savanes ponctuées d’imposants reliefs. À l’horizon s’élance l’inselberg du Mulanje, une montagne solitaire, une île égarée dans le ciel. Avec ses 3 000 mètres d’altitude, la ceinture de falaises domine la plaine comme une forteresse naturelle.
Le trafic s’intensifie, mais ce sont surtout les vélos qui dominent, de vieux vélos monovitesses sans âge, chargés de passagers, de sacs de maïs ou de fagots de bois. Ce sont eux qui incarnent le véritable moteur du quotidien malawien.

Un petit bout du grand Rift africain. Après 200 km dans la large vallée de Shire, je m'élève peu à peu sur les hauts plateaux malawien.
Le long rapatriement

Le thé pousse en abondance sur les pentes de l’inselberg. Sous les falaises embrumées, les immenses plantations déroulent hypnotiquement l’alignement régulier de leur damier verdoyant.
Le lieu invite à prendre une journée de repos, la première de mon voyage. Une douleur à la tête, derrière l’œil, m’inquiète. Peut-être une simple migraine. Le lendemain, je me réveille avec l’œil droit rougi, une vision troublée, tachetée de points noirs qui dansent au gré de mon regard. Par un incroyable coup de chance, une petite clinique dotée d’un service ophtalmologique se trouve à quelques kilomètres. On parvient à faire un fond de l'œil et à déceler une inflammation. Autre miracle : j’y obtiens des médicaments, plusieurs collyres anti-inflammatoires. Rapidement, je ne vois plus que d’un œil.
Je passe une journée de plus à tourner en rond dans la chambre du lodge, calfeutrée au-dessus des champs de thé, prisonnier d’un décor splendide que je ne parviens même plus à contempler. Je me décide à continuer jusqu’à la prochaine ville, située à une trentaine de kilomètres, de l’autre côté de la frontière, au Mozambique, pensant qu’elle serait mieux équipée. L’occasion de suivre l’évolution de l’inflammation et de prendre une décision finale sur mon voyage.

Avec des bouts de papier et des morceaux de chatterton, je bricole un cache pour le verre droit de mes lunettes de rechange. Je traverse la frontière au coucher du soleil. Le douanier mozambicain est d’un zèle scrupuleux. Je suis pratiquement seul dans ce poste d’immigration, les locaux circulant librement de part et d’autre. Précautionneusement, il vérifie tous mes documents, appelle l’hôtel que j’avais réservé en fin de voyage sur Ilha de Moçambique, contrôle mes tampons et mon e-visa. Sous sa fine moustache, son visage rond trahissait un ton étrangement maniéré.
« Le reçu du visa (délivré à l’aéroport de Maputo) n’est plus valable. »
Je lui montre qu’il s’agit d’un visa multi-entrées, valide un mois, qui ne nécessite pas de nouvelles formalités. Il multiplie les appels à ses supérieurs.
« Oui, mais c’est un visa émanant de l’aéroport de Maputo, il n’est plus valable ici. »
Nouvel appel :
« Oui, mais il manque le tampon sur le reçu du visa. »
Encore un peu de patience. Les minutes s’égouttent jusqu’au crépuscule. J’insiste tout en m'efforçant de sourire. Entre-temps, je remarque qu’une tache brune recouvre une partie de mon iris. L’inquiétude grandit. « Si vous ne voulez pas de moi, je fais demi-tour ».
Finalement, on me laisse passer, en prenant soin de faire un tampon le plus net possible sur une nouvelle page de mon passeport. Je trouve refuge dans le premier hôtel de Milanje, le pendant mozambicain de Mulanje, avant de rejoindre l’hôpital local. Son aspect décrépit peine à cacher le vestige colonial : le service d’ophtalmologie ne fonctionne pas ce soir.

Milanje était le dernier endroit où je pouvais encore décider d’un rapatriement rapide. Après, ce sont plus de 250 kilomètres de pistes et de brousse. Je prends donc la seule décision possible : appeler mon assurance et organiser un retour anticipé. Je comprends qu’il ne sera pas aisé de me récupérer ici : il me sera bien plus efficace d’organiser seul la première partie du trajet. Dès l’aube, je franchis à nouveau la frontière sous le regard mi-médusé, mi-curieux du même douanier que la veille. Les formalités sont cette fois étonnamment rapides. Depuis le poste malawien, un taxi local m’emmène à Blantyre, à près de trois heures de route. Et me voici en moins d’une demi-journée à patienter sur l’un des fauteuils d’une clinique privée et plus équipée. Elle confirme le diagnostic : une panuvéite particulièrement aiguë. Mon état est trop grave pour envisager un vol immédiat. Je dois patienter quelques jours à l’hôtel, sous traitement, le temps que l’inflammation se stabilise. J’en profite pour me reposer, apprendre quelques mots de chichewa, et reprendre des forces.

Au second rendez-vous, bien qu’il ne soit toujours pas possible d’effectuer un fond d’œil, j’obtiens l’autorisation de rentrer. Quarante-huit heures plus tard, je suis aux urgences en France, recevant une dizaine d’injections de cortisone et enchaînant les examens pour écarter toute cause infectieuse ou maladie auto-immune. Peu à peu, ma vue s’améliore : après un mois de repos forcé, je suis à nouveau sur mon vélo, cette fois dans les Alpes.

Une dernière tentative pour rejoindre une dernière fois le Mozambique. J'ai bricolé un cache de carton et de chatterton sur le verre de mes lunettes de rechange. Arrivé dans la ville mozambicaine de Milanje, à 30 km de là, je me résigne à rentrer.

Si la fin de ce voyage ne s’est pas déroulée comme je l’espérais, il n’en a pas moins été marquant. Certes, je n’ai pas pu rejoindre les plages idylliques et la ville historique de Ilha de Moçambique, à peine six cents kilomètres plus loin. Mais ce final n’aurait été qu’une cerise sur le gâteau. L’essentiel était ailleurs : dans le chemin, les routes et les pistes, les rencontres et les sourires qui ont émaillé mon quotidien. Parmi les images marquantes, je conserve ces collines, ces falaises de granit, la plaine du Zambèze, la vallée du Shire et tout cet éventail polychrome - miroirs d’une Afrique toujours vibrante.

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